Télé-enseignement : témoignage de Mélanie, enseignante (91)
Mélanie, professeure des Écoles dans l’Essonne livre son témoignage a Educadis sur cette première semaine de télé-enseignement.
Educadis : Lundi, aviez-vous des éléments pour savoir comment se déroulerait la semaine?
Mélanie : Par mon directeur et mon inspecteur avec les moyens disponibles, mais pas par le Ministère. La notion de hiérarchie chez nous est un peu lunaire. Les préconisations du Ministère prennent rarement en compte les éléments spécifiques du terrain. C’est l’inspecteur qui fait le plus gros à mon sens. Je reçois une dizaine de courriels par jour en moyenne depuis samedi dernier, avec des préconisations, des ordres, des suggestions. C’est du jour le jour ; aucune projection.
Educadis : Avez-vous reçu des messages de la part des parents?
Mélanie : Les parents répondent à mes messages (13/24) mais tous ne lisent pas le Français, n’ont pas la culture de l’écrit… C’est le cœur du problème en quartier prioritaire. J’ai commencé à proposer des séances en visio-conférence sur ordinateur, tablette ou smartphone pour la semaine prochaine. Leurs messages indique que les enfants s’ennuient de l’école, qu’ils demandent de mes nouvelles, qu’ils sont contents de remplir le livret d’exercices (41 pages pour trois semaines) que j’ai fourni lundi. Beaucoup s’ennuient parce qu’ils n’ont aucune distraction à la maison – les parents n’ont pas les moyens.
Educadis : Si le confinement se prolonge, ce qui semble le cas, que serait-il nécessaire de mettre en place ?
Mélanie : Privilégier le contact oral. Être dans une démarche humaine et empathique avec les familles. Se rendre disponible sans considération de “jour de classe” (pas de communication les mercredis et week-ends pour le moment). Si le confinement dure encore des semaines, il faudrait absolument de quoi redonner aux élèves de quoi s’occuper et s’exercer. Je pense que le travail à distance ne vaudra jamais le fait d’être en classe. Le relationnel avec les élèves est primordial dans l’apprentissage. Difficile d’encourager et de rassurer les élèves à distance, de les prendre dans les bras quand ils sont angoissés ou ont du chagrin, notamment pour les élèves qui ont des problématiques familiales lourdes. Ces semaines sans classe sont une catastrophe.
Educadis : Pensez-vous que l’année scolaire puisse se terminer normalement en juin – comme l’a annoncé hier le ministre de l’Éducation?
Mélanie : On ne pourra tout combler à la reprise. Il y aura nécessairement du retard, donc la fin de l’année sera difficile pour tous. Le fait d’être à nouveau réuni sera peut-être un bon moteur pour avancer. L’année scolaire se terminera avec les moyens du bord, avec l’énergie continuelle et habituelle des équipes éducatives.
Educadis : Est-ce que cet épisode, historique, laissera des marques dans l’Education? Est-il révélateur d’éléments?
Mélanie : Cet épisode aura renforcé le lien famille/école mais pas école/Ministère. A l’heure des discussions sur le changement de fiches de poste des enseignants, cet épisode amènera des constats et des interrogations.