Télé-enseignement: deuxième semaine, témoignages

Publié le 29/03/2020 à 15:57
Télé-enseignement: deuxième semaine, témoignages

Pour cette deuxième semaine de télé-enseignement, nous retrouvons les retours d’expérience d’Élise, professeure d’arts plastiques dans le Val-de-Marne, et Mélanie, professeure des Écoles dans l’Essonne.

 

 

Educadis : Comment s’est déroulée cette seconde semaine de confinement, de manière générale ? Avez-vous noté une évolution, notamment de la part des consignes ministérielles ?

 

Mélanie : Elle a été très intense. J’ai travaillé tous les jours – mercredi et week-end compris, sans prendre en compte les heures de classe habituelles dans les échanges avec les familles (sur le déjeuner, jusqu’à 23h parfois). J’ai reçu autant de mails que la semaine dernière de la part de ma hiérarchie. Consciente de la densité d’informations communiquées, elle nous a indiqué vouloir rendre la troisième semaine avant les vacances scolaires plus légère. L’inspecteur de ma circonscription et ses conseillères pédagogiques font leur maximum. J’ai le sentiment que quelque chose se crée en ces temps troublés. En revanche, ma défiance à l’égard des hautes instances ministérielles est intacte. Des collègues, partout en France, apprennent en ce moment-même la fermeture de leur classe et leur mutation à venir. Les suppressions de postes restent une actualité, très éloignée cependant des besoins des acteurs de terrain et du bien-être des élèves, et qui ne prennent malheureusement pas de vacances même en temps de crise sanitaire.

 

Élise : Cette semaine a été plus dense que la première. Les élèves ont commencé à rendre les projets, je ne compte pas les heures passées sur mon ordinateur à répondre aux mails. Je n’ai reçu aucune consigne de la part de notre hiérarchie. J’ai juste reçu des liens internet, vers des contenus pédagogiques, de la part de l’inspecteur.

 

 

Educadis : Les élèves – et les parents – sont-ils parvenus à s’adapter au télé-enseignement ?

 

Mélanie : J’ai eu très peur du décrochage des familles cette semaine. J’ai envoyé énormément de documents écrits, ce qui peut engendrer des difficultés pour les familles qui ne sont pas équipées en matériel informatique, qui n’ont pas la culture de l’écrit ou la maîtrise de la langue française. Alors, j’ai appelé chaque famille pour lesquelles je n’avais pas eu de retours mails pour prendre des nouvelles. J’ai mis en place des cours de lecture/compréhension et de phonologie en visio. J’ai trié l’ensemble des photos prises à l’école de septembre à mars et envoyé à chaque famille celles sur lesquelles leurs enfants apparaissaient. Plus que jamais, il faut créer du lien et se montrer présente pour les familles. Les réactions ont été magnifiques. J’ai reçu beaucoup de remerciements, de messages de soutien et de compassion vis-à-vis de mon rôle d’enseignant. Les relations s’humanisent et se soudent. Nous aurons beaucoup gagné sur le terrain du lien école/famille au sortir de ce confinement.

 

Élise  : J’ai eu des parents au téléphone. Il est encore compliqué pour eux et les élèves d’utiliser les outils numériques. Ces derniers sont très nombreux et varient en fonction des enseignants, il est alors difficile de s’y retrouver. Ensuite, les parents éprouvent des difficultés liées au télétravail: ils ne peuvent pas s’occuper de leur(s) enfant(s) en journée. Dans certaines familles, les conditions matérielles (ordinateur, accès à internet) sont limitées voire inexistantes. Pour ma part, j’ai dû recevoir la moitié des travaux que j’avais donné à faire. Je me pose la question de l’évaluation : est-ce vraiment utile de noter les travaux d’élèves dans de telles circonstances, alors que tous ne bénéficient pas des mêmes conditions matérielles?

 

 

Educadis : Comment avez-vous vécu la déclaration de la porte-parole du gouvernement, sur les « vacances des enseignants » et le « ramassage de fraises » ?

 

Mélanie : Je l’ai vécue comme une négation supplémentaire de ce que ce métier est, de l’investissement qu’il demande et de ce qu’il implique. Je l’en remercie cependant. Cette fois, elle n’a pas été vécue en vase clos. J’ai pu constater nombre de messages de soutien sur les réseaux sociaux par exemple, de parents et peut-être d’un public, qui habituellement ne prend la parole que pour dénigrer la profession au regard d’avantages fantasmés.

 

Élise : Je l’ai très mal vécu! J’ai trouvé cela extrêmement vexant. Cette semaine, j’ai passé un temps considérable à répondre aux mails, corriger les projets, appeler les parents et récupérer les travaux. Jeudi, j’ai cru que j’allais jeter mon ordinateur par la fenêtre car je n’en pouvais plus. J’ignore pourquoi, mais les professeurs passent toujours pour des fainéants, qui ne travaillent jamais. Ce qui me rassure, ce sont les parents qui m’ont dit au téléphone «mais comment faites-vous?». Certains comprennent que travailler avec un jeune public ne s’improvise pas et que c’est bel et bien un métier! Les parents sont très encourageants et n’hésitent à nous envoyer des mails de remerciement, cela compense l’absence de reconnaissance du gouvernement.

 

 


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