La Cour des Comptes sur l’école numérique : de sérieuses insuffisances
Dans son rapport annuel 2021 publié le 18 mars dernier, la Cour des Comptes s’intéresse aux résultats de l’école numérique mise en place à la suite de la fermeture des écoles. Si ce service public a permis d’éviter une rupture pédagogique générale, l’organisme relève cependant de fortes disparités entre l’origine sociale des élèves, et aussi des problèmes de fond dans l’Éducation nationale.
Une rupture pédagogique pour les élèves les plus fragiles
La pandémie n’a pas pris en défaut sur le fond l’Éducation nationale, puisque depuis 2013 existait “un service public du numérique éducatif” conçu pour les situations de crises, qui a permis de faire face dans l’immédiat à la fermeture des écoles, et d’éviter une rupture pédagogique générale. Dans les faits, la mise en place du service ne s’est pas faite sans difficultés pratiques, et ne s’est pas révélée adaptée pour tous les publics. Un problème immédiat a surgit dès le 16 mars, avec la rapide saturation des réseaux publics, incapables de faire face au gigantesque afflux de connections. Même si le problème a été réglé au bout de quelques jours, la Cour des Comptes note que “certains enseignants se sont
tournés vers des services grand public n’offrant pas la même sécurité“.
Sur le fond, la Cour des Comptes est sans appel : l’école numérique n’a pas pas permis de toucher l’ensemble des élèves, défavorisant les plus fragiles. “L’école à distance a accentué les difficultés scolaires des élèves les plus fragiles, notamment ceux de l’éducation prioritaire, et de certaines classes de l’enseignement professionnel“. C’est notamment le cas des élèves en situation de handicap, ceux souffrant de problèmes de santé, ou encore les allophones (d’une langue maternelle autre que le français), nécessitant habituellement un suivi appuyé de la part des enseignants, et dont l’école numérique n’a pas été en mesure d’apporter une offre suffisante.
Des élèves entre manque d’équipements et défaut de connaissances numériques
Le principal problème de l’école numérique relevé par la Cour des Comptes concerne l’accès même à cet enseignement. L’un des obstacles relève du défaut d’équipement, en l’occurrence un ordinateur fixe ou portable : près de 600 000 élèves (5%) n’en disposent pas, instaurant une fracture numérique difficilement comblée par le recours à l’éventuelle possession d’un smartphone. La libre disposition d’un ordinateur n’a au demeurant pas forcément été synonyme de libre accès aux ressources numériques, pour plusieurs raisons possibles : connexion limitée ou défaillante, partage interfamilial des solutions digitales, ou encore familles nombreuses et présence d’enfants en bas-âge rendant très difficile l’isolement.
Une autre raison identifiée par la Cour des Comptes est endogène aux enseignants, avec une trop faible acculturation numérique préalable à l’implémentation d’une continuité pédagogique digitale. “Une minorité d’enseignants est en mesure d’appuyer sa pédagogie sur des outils numériques, par une utilisation créative, même si pratiquement tous les enseignants utilisent le numérique pour préparer leurs cours.” Pour leur part, si les élèves maîtrisent pour la plupart remarquablement les réseaux sociaux, leur connaissance des logiciels de base (notamment la messagerie et le traitement de texte) s’est révélée extrêmement aléatoire, et souvent prise en défaut.