Enseigner la Shoah : une histoire française
Si plusieurs centaines de déportés d’Auschwitz-Birkenau sont encore en vie à travers le monde, seule une quinzaine en France est encore en mesure de témoigner dans les écoles. Pour l’Éducation nationale, il est déjà nécessaire de s’habituer aux moyens de transmission existant sans leur présence.
L’historiographie française de la Shoah
L’histoire de la Shoah est loin d’avoir toujours fait les gros titres des manuels d’histoire français. Dans les années suivant la fin de la Seconde Guerre mondiale, les temps étaient plutôt à la glorification de la Résistance, conçue comme incarnation idéale et nécessaire de la France meurtrie. Par la suite les années 70 ont vu l’apparition du phénomène inverse, avec la (re)découverte des temps obscurs, et la mise en exergue de la France collaborationniste de Vichy. Des tendances opposées qui dans les faits passaient à côté d’un constat pourtant marquant : 90 % des Français n’ont jamais été ni résistants ni collaborateurs.
La Shoah s’est finalement et tardivement invitée dans les manuels d’histoire français à la fin des années 90, suite notamment au discours fondateur de Jacques Chirac au Vel d’Hiv le 16 juillet 1995. L’infâmie génocidaire nazie et la honte de la collaboration française désormais depuis partie de l’enseignement prépondérant de la Seconde Guerre mondiale. Avec l’émergence d’une expression étrange qu’il fait bon employer depuis : le « devoir de mémoire ». Comme s’il fallait s’imposer un nouveau fardeau, s’obliger à faire ses devoirs d’école. L’Histoire, en tant que science, n’a nul besoin de se voir indiquer où se situent ses devoirs. Son seul devoir, c’est de transmettre.
Enseigner la Shoah sans les rescapés
Près de 75 ans après l’enfer terrestre d’Auschwitz, les rescapés, en France, se comptent pratiquement sur les doigts des deux mains. Du moins, ceux qui possèdent encore toutes leurs facultés et la possibilité de se déplacer dans les écoles. Dans quelques années, plus personne ne viendra témoigner directement, et donner un visage et des mots à ce qui dépasse l’imagination, à plus forte raison pour de jeunes élèves.
Si les survivants disparaîtront un jour, leurs témoignages sont déjà assurés de leur survivre, grâce à de multiples initiatives heureuses. C’est notamment le cas du DVD Mémoire demain, contenant les témoignages filmés des rescapés des camps. Au total des milliers d’heures d’enregistrement sont disponibles, auxquels s’ajoutent une filmographie désormais conséquente. Enfin, la visite des deux camps voisins d’Auschwitz et Birkenau en Pologne constituera toujours un passage aussi abrupte qu’humaniste dans la vie d’une future femme, d’un futur homme.
« Je n’aime pas l’expression devoir de mémoire. En ce domaine, la notion d’obligation n’a pas sa place. Autre chose est le devoir d’enseigner, de transmettre. Là oui, il y a un devoir ». Simone Veil.